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Éditorial du mois

Éditorial du mois de juin

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Jean Grou

L’art de recevoir

Malgré ce que pourrait laisser croire le titre de cet éditorial, il ne s’agira pas ici de prodiguer des conseils à la Martha Stewart sur la bonne manière d’accueillir des invités chez soi. Il sera plutôt question de notre façon de recevoir ce qui nous est offert gratuitement. Ainsi, quand quelqu’un me lance: «Allez, prenez-le, c’est gratuit», je pense invariablement: «Oui, bien sûr, celui-là est gratuit, dans le but de me donner envie d’en acheter d’autres!» On dit souvent que nous vivons dans un monde où tout s’achète et se vend, où rien n’est gratuit. Alors, lorsqu’une situation paraît s’écarter de cette logique, ça semble suspect… «Comment va-t-on encore chercher à me soutirer de l’argent?»

Cette attitude de méfiance déteint forcément sur les relations interpersonnelles. Lorsqu’on reçoit un cadeau, on se dit qu’il faudra bien offrir quelque chose de valeur équivalente à la prochaine occasion. Si un ami venu souper à la maison apporte une bouteille de champagne, pas question de se présenter chez lui avec de la piquette! Bien sûr, c’est d’abord une question de savoir-vivre et de souci de manifester à l’autre qu’on l’apprécie vraiment. Mais lorsque cette propension à vouloir rendre la pareille s’érige en système, est-ce que ça ne vient pas brouiller l’esprit du don?

De fait, dans la tradition chrétienne, on insiste beaucoup sur l’importance de donner, de faire la charité. Le Christ n’est-il pas allé jusqu’au don suprême, celui de sa propre vie? D’après l’apôtre Paul, Jésus aurait d’ailleurs déclaré: «Il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir.» (Actes 20, 35) Si bien que, plus ou moins consciemment, on préfère se situer du côté des personnes qui donnent que de celles qui reçoivent.

J’oserais avancer ici une hypothèse: si beaucoup de gens ne croient pas en la résurrection, en la vie éternelle, c’est peut-être parce qu’ils la considèrent comme un «cadeau» si grand et si beau qu’ils n’arrivent pas à se faire à l’idée qu’il puisse être offert en toute gratuité. Comment un don si précieux peut-il nous être accordé, sans aucun mérite de notre part? C’est trop beau pour être vrai, non? Voilà bien la folie de la foi chrétienne: nous croyons que c’est vrai! Cela dit, la vie en Jésus Christ ne nous est pas accordée contre notre gré; encore faut-il l’accueillir, lui ouvrir la porte de notre cœur. D’où l’importance de cultiver l’art de recevoir… sans arrière-pensée.

Jean Grou