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Éditorial du mois

Éditorial de novembre 2023

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Au-delà de nos morts

Les jeunes enfants ont souvent un rapport confus au temps et à l’espace. Avant que leur esprit place au bon endroit les morceaux qui forment l’étrange casse-tête qu’est le réel, ils se bricolent, avec les moyens du bord, une compréhension de ce que peuvent bien signifier des expressions comme «avant que tu n’existes», «après la mort», «personnages fictifs» et «gros comme l’univers».

Ainsi, jusqu’à tout récemment, mon fils situait pêle-mêle ses superhéros, les gens décédés, Jésus, les Pokémons et les enfants qu’il aurait plus tard «sur d’autres planètes». En conséquence, au moment de commémorer les fidèles défunts, ou plus globalement d’entrer en novembre, «mois des morts», il était surpris qu’aucune fusée ne soit de la partie. Comment allait-on rejoindre la «fête»?

Évidemment, comme adultes, nous abordons la mort bien différemment. Mais à y regarder de plus près, nous n’en avons pas, nous non plus, une conception beaucoup plus claire. Même avec la foi en Dieu, la mort reste voilée de mystère.

Parlant de la foi, celle-ci bourgeonne ou s’affermit souvent en raison même du surgissement de la mort dans notre existence. Perte d’un proche, diagnostic d’une maladie incurable… Ces événements nous mettent devant la fin de ce qui, hier encore, ne semblait pas devoir se terminer. Je ne compte plus les personnes qui m’ont dit: «Dieu, les dogmes, l’Église, je ne sais pas trop. Mais ne jamais plus revoir mon père, ma mère, mon ami, ça me semble absurde. Alors je crois.»

D’autres affirment avoir reçu des signes. Par exemple, un rêve «plus vrai que vrai» dans lequel le défunt s’adressait paisiblement à eux. Était-ce réel? Ou une ruse de l’esprit humain, pour déjouer le sentiment d’absurdité, de cruauté?

Je n’en sais rien, je désire seulement souligner que la plupart du temps, nous gérons la mort de manière individualiste: «je mourrai»; «le défunt m’est apparu»; «impossible qu’entre elle et moi, tout soit fini pour toujours». Et c’est normal! C’est toute une gifle à encaisser, alors on peut bien se permettre de penser à soi devant cette tragédie. Cependant, la liturgie nous aide à élargir notre perspective. Les fidèles défunts ne sont plus seulement «nos» morts. Nous prions, en assemblée, pour eux et avec eux. Leur rôle s’est élargi: ils ne veillent pas tant sur moi que sur nous tous et toutes.

À tout prendre, c’est rassurant. La vie éternelle n’est pas la reprise de notre vie ici-bas. C’est une forme d’existence étendue, dilatée à des dimensions qui vont bien au-delà «des autres planètes», comme dirait mon fils.

Jonathan Guilbault