Éditorial du mois Éditorial de mars 2025 A A Rien à prouver Qu’est-ce qui nous donne l’impression d’avoir réussi notre vie, ou d’être en train de la réussir? Je me souviens de cette jeune instructrice de tennis qui, devant se présenter à ses nouveaux collègues, avait proclamé haut et fort: «Moi, je veux que mon nom fasse partie du dictionnaire plus tard.» Rien de moins! Un autre souvenir me revient en mémoire. Alors que j’étais au début de la vingtaine, autour de l’an 2000, mon meilleur ami m’avait confié qu’il m’enviait une prouesse bien particulière: lorsque l’on entrait mon nom dans les moteurs de recherche web, on tombait sur des pages où j’apparaissais. À son avis, «de nos jours, si notre nom n’est pas sur internet, on n’existe pas». Il souffrait d’avoir l’impression que sa vie se déroulait dans les limbes de l’anonymat. Ces deux exemples peuvent faire sourire: quelle candeur, quelle démesure, quel sens du drame! Soyons de bonne foi et reconnaissons-y une aspiration tout à fait légitime à la grandeur. Il est juste et bon que des jeunes désirent «être quelqu’un», laisser leur trace dans ce monde. Mais il suffit de jeter un regard sur Jésus en croix pour saisir que la véritable grandeur n’est pas une distinction octroyée par les autres et que l’on mériterait à force d’exploits. Sinon, le parcours de Jésus, quel échec! En préférant la volonté du Père à toute autre motivation, Jésus nous a délivrés de notre incessante inquiétude babélienne de bâtir notre personne à partir de nos propres moyens. Car le salut, au contraire de ce que nous avons naturellement tendance à penser, c’est d’évaluer ce que nous sommes, ce que nous valons, à l’aune d’un seul critère: notre identité de fils, de filles de Dieu. Autrement dit, nous n’avons rien à prouver. Nous sommes des bien-aimés de l’Éternel, et c’est largement suffisant. Dès lors, il ne s’agit pas de nous reposer sur nos lauriers: il y a tant à faire en ce monde blessé! Mais ce que nous faisons, ne le faisons pas pour être quelqu’un, mais parce que nous sommes quelqu’un: des êtres uniques aux yeux de Dieu. Jonathan Guilbault