Éditorial du mois Éditorial de mars 2024 A A ÉDITORIAL MARS 2024 L’endroit le plus pauvre de notre cœur Au moment d’écrire ces lignes, je referme un roman intitulé N’ayons pas peur du ciel, d’Emma Hooper. Il raconte l’aventure de neuf sœurs vivant aux premiers siècles de notre ère, dont certaines croisent des groupes de chrétiens fuyant la persécution romaine. L’ouvrage met en lumière qu’à la naissance du christianisme, la foi se transmettait de pauvre à pauvre. Des mots simples suffisaient pour éveiller des feux dans l’âme des gens. À cette époque, on savait évidemment ce qu’aimer voulait dire, en général. Mais ce récit d’un «Dieu de Tout» (pas seulement de l’eau, ou du ciel, ou de la cité, mais de Tout!) qui ne suscitait pas la peur et ne demandait pas de sacrifice, parce qu’il s’était offert lui-même en offrande pour nous faire vivre avec lui par-delà la mort… Quelle histoire! Cette «bonne nouvelle» racontée avec les moyens du bord, sans trop d’exactitude mais avec un noyau intact, a ouvert des horizons d’amour, de vie et de liberté pour des milliers de personnes. Des siècles plus tard, nous nous retrouvons dans un contexte bien différent. Le langage de la foi s’est affiné et enrichi. Nous sommes «riches» de l’histoire de la foi de nos ancêtres, avec ses hauts et ses bas. En plus de l’être d’une éducation et de conditions de vie la plupart du temps bien supérieures. Tout de même, à l’échelle de notre propre existence, la situation est similaire. Si nous croyons en Jésus, c’est que quelque chose de très simple s’est produit: une parole riche de sens a touché l’endroit le plus pauvre de notre cœur. Là où une faim infinie nous fait désirer, agir, espérer. Les équipes de pastorale s’ingénient à trouver des façons de proclamer l’Évangile, ou ce que l’on appelle le kérygme, le noyau de notre foi, avec une fraîcheur renouvelée. Pour que nos oreilles habituées au ronron du langage chrétien, parfois carrément blasées ou saturées, puissent être frappées de stupeur comme aux premiers temps de la foi. Très bien. Mais une partie de la tâche nous incombe. Nous savons d’instinct, ou d’expérience, ce qui nous empâte le cœur. Le Carême nous invite justement à jeûner du mauvais cholestérol spirituel. C’est la première étape, essentielle. La seconde consiste à faire mémoire de ce qui a chaviré notre cœur de pauvre pour faire de nous des chrétiens et chrétiennes. Par où Dieu est-il passé pour nous atteindre? Sommes-nous fidèles à ce qui s’est passé à ce moment-là? Avons-nous encore faim de cette nourriture riche en aventures: l’amour? Jonathan Guilbault