Éditorial du mois Éditorial d’avril 2025 A A Depuis une trentaine d’années, je fais partie d’une association de spécialistes de la Bible. Périodiquement, en assemblée générale ou lors de discussion au sein de l’exécutif, on s’interroge sur la façon d’accroître le sentiment d’appartenance des membres à leur organisation. C’est le lot de pratiquement tous les établissements, notamment en milieu scolaire: les écoles secondaires, collèges et universités portent le souci d’entretenir le sentiment d’appartenance de leurs diplômés. De mon côté, je considère que j’appartiens pleinement à l’association de biblistes dont je suis membre, ne serait-ce que parce que je verse fidèlement ma cotisation pour renouveler mon adhésion et que je participe à la plupart de ses activités. Et inversement, je suis conscient que l’association m’appartient, dans une certaine mesure, comme à tous les autres membres, évidemment. Qu’en est-il sur le plan de la foi? Spontanément, je peux déclarer sans trop de mal que j’appartiens au Christ, en raison notamment de mon baptême qui fait de moi un membre de son Corps. Mais contrairement à ce que je peux dire sans réserve de mon association de biblistes, j’hésite à reconnaître que le Christ m’appartient, ne serait-ce que partiellement. En effet, on nous met constamment en garde contre la tentation de prétendre posséder Jésus ou son Esprit. C’est bien ainsi en tout cas que je comprends le récit où les disciples veulent empêcher quelqu’un de l’extérieur de leur groupe d’accomplir des miracles au nom du Christ. Ce dernier les rappelle à l’ordre en laissant entendre qu’ils n’ont pas à revendiquer une quelconque propriété de sa personne (cf. Marc 9, 38-40). D’autres récits des évangiles vont dans le même sens. Et le pape François se fait un devoir de marteler des mises en garde contre la tentation de chercher à accaparer le Seigneur. Cela dit, l’Évangile le proclame clairement: «Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique.» (Jean 3, 16) Si je prends ces paroles au sérieux, Jésus «m’appartient», au moins un tout petit peu, non? Mais je peine à me faire à cette idée, sans doute parce que je ne me sens pas à la hauteur d’un tel don: «Seigneur, je ne suis pas digne de te recevoir…» Mais c’est peut-être bon signe aussi: je ne m’habitue pas à la grandeur de ce don, je ne le tiens pas pour acquis. Il ne cesse de m’étonner, de m’interpeller, de me garder ouvert à le recevoir et, surtout, à le partager. Car voilà bien la tentation à éviter: chercher à le garder pour soi. Jean Grou