Éditorial du mois Éditorial d’avril 2024 A A Seigneur, surprends-nous! Le mois d’avril a une particularité cette année: il est tout entier sous le signe de la résurrection, alors que le mois de mars était couvert d’un bout à l’autre par le Carême. Temps de joie sans mélange, alors, n’est-ce pas? En théorie, oui: la liturgie nous soutirera des alléluias bien sentis à répétition. Mais qu’en est-il de nous, une fois revenus à nos tâches quotidiennes? Avril s’annonce-t-il vraiment comme un long festin égayé par notre certitude revitalisée d’hériter de la vie éternelle? J’ai à peine quarante ans, et je dois admettre que je suis déjà trop désillusionné, trop meurtri, trop fatigué pour croire à la possibilité d’être joyeux sur commande. En fait, je me suis longtemps senti coupable de ne pas être assez joyeux pendant le temps pascal. Est-ce parce que j’aurais bâclé mon Carême? Est-ce par manque de foi en Jésus ressuscité? Non. C’est seulement que la joie a si peu à voir avec un effort de volonté. Le plaisir est plus facilement accessible: une bonne partie d’échecs, avec scotch et cigare, et me voilà content pour une bonne heure. Content, oui; mais joyeux? La joie ne dépend donc pas directement de notre bon vouloir. Mais elle vient plus volontiers surprendre, au détour d’un coin de rue, le croyant ou la croyante qui garde les yeux ouverts (et si possible pas fixés sur un écran !). En principe, il suffirait de prendre exemple sur les enfants, comme nous le conseille d’ailleurs Jésus: ils bondissent de joie plusieurs fois par jour, car ils ont «des yeux pour tout prendre», selon les mots de Saint-Denys Garneau. Les enfants ont la joie facile, car pour eux, presque tout événement est imprévu, et arrive comme une promesse. Cela dit, on a beau «renaître de l’eau et de l’Esprit» (cf. Jean 3, 5), nous ne sommes plus des enfants. Ces derniers ont parfois peur, ne sachant pas si les monstres existent. Notre effroi a une cause contraire: immergés dans un monde de beauté fragile, nous craignons parfois que l’existence du Bien-Aimé ne soit qu’un conte de fées. Et malgré le doute, nous croyons. Malgré la banalité des événements qui se répètent sans cesse, nous voyons de la nouveauté. Malgré la souffrance, nous anticipons la victoire. Malgré notre vieille âme, nous sommes surpris par l’irruption de l’Amour, parfois. Nous ne pouvons pas susciter notre propre joie. Mais nous décidons de vivre en lui aménageant une place, en nous. Elle viendra quand elle voudra. Comme une grâce. Comme le Seigneur. Jonathan Guilbault