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Éditorial du mois

Éditorial de février 2025

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Le printemps arrive

Le jour de la marmotte, qui rivalise avec la Chandeleur pour inaugurer le mois de février, m’a toujours fasciné. À une époque où la rationalité scientifique domine et où la plupart des gens entretiennent une relation distante avec la nature, cette coutume fait irruption comme un désir inassouvi d’un peu de magie dans notre quotidien.

Je me souviens qu’enfant, je souhaitais que la marmotte voie son ombre avant de retourner se blottir dans son terrier. Peut-être un peu parce que j’aimais plus qu’aujourd’hui l’hiver, ses sports et ses feux de cheminée dans le sous-sol. Mais c’était aussi parce que je m’identifiais à la marmotte: constater qu’il faisait soleil, que tout va bien et qu’on peut retourner se coucher, quoi de mieux!

Et puis il y avait cette expression mystérieuse: voir son ombre… J’aimais l’idée qu’il fallait s’exposer à la pleine lumière du soleil pour qu’un double ténébreux de soi-même surgisse, désormais susceptible d’être scruté par le regard. Quand j’y repense, l’image résume bien la vie spirituelle chrétienne: nous placer sous la lumière du regard amoureux de Dieu, afin de percevoir ce qui, dans l’épaisseur de notre vie, suscite une version obscure de nous-mêmes.

Pour arriver à un résultat voisin, il y a certes bien des méthodes modernes. Consulter un psychologue, par exemple, peut faire ressortir des obstacles psychiques à notre capacité d’aimer en toute liberté. Et même nous aider à les franchir. D’ailleurs, l’oblat Jean Monbourquette parlait «d’apprivoiser son ombre». Il voulait ainsi exprimer l’importance de reconnaître et d’accepter la partie sombre de sa personnalité. Il suggérait des moyens à la portée de toute personne, croyante ou non, pour vivre en harmonie avec ses peurs et ses envies refoulées.

Très bien. Mais aucune théorie, aucun exercice n’est capable de nous mettre à nu comme l’abandon à l’amour de Dieu. Quand le Christ nous regarde depuis la croix, il n’y a plus de cachettes, plus de recoins où nous dissimuler.

Contrairement au jour de la marmotte, qui relève de la superstition, notre Jour du Seigneur fait la vérité, sépare la lumière des ténèbres avec une efficacité que ni la science ni la sagesse humaine ne peuvent mesurer. Bien plus, l’amour de Dieu nous donne la force de nous aimer nous-mêmes… malgré nos ombres, résidus du péché. Celles-ci, du fond du terrier, aimeraient bien nous convaincre qu’il n’y a pas de soleil dehors. Qu’il n’y a pas de raison d’espérer.

Et pourtant, nous le savons : le printemps, la résurrection arrivent.

Jonathan Guilbault